Posté 6 février 2019 par dans la catégorie Dossiers
 
 

Jason Aaron dans Question de Style S02E04 – Partie 2

 

J

ason Aaron devenant le nouvel architecte de l’univers Marvel à l’occasion du Fresh Start. L’occasion était trop belle pour ne pas faire un Question de Style.

Voici la partie 2 sur 3 !

Les super-héros, propagateurs de violence ?

 

En effet, son analyse de la violence est la même chez les super-héros et l’auteur leur fait assez peu de cadeaux. Commençons par sa dernière série : Avengers. Ces derniers vont être confrontés à la menace des Célestes et Jason Aaron va vite les interroger sur leur propre responsabilité dans la venue de ces créatures projetant toujours de détruire la Terre. En montrant leur comportement violent et leur absence de contrôle, l’auteur cherche à leur faire réaliser qu’une autre voie est possible. Lorsqu’en plus, il joint cela à son concept des Avengers de la Préhistoire, cela donne un angle inédit aux super-héros Marvel puisque peu importe la période temporelle, ils sont condamnés à être pris dans un cycle de violence sans fin, qui peut même se propager dans leur propre camp.

Mais bien avant de s’occuper des Vengeurs (c’est bon, t’es content, Jé ?), Jason Aaron s’est aussi occupé de Thor. D’abord, avec Odinson en le confrontant à un tueur de Dieux qui se révélera être le produit des agissements du Dieu du Tonnerre et donc un individu qui veut se venger. Mais là où l’auteur confirme son talent pour creuser la reproduction des cycles de violence, c’est que Gorr ne fait que devenir ce qu’il a juré de combattre et d’éliminer. Il reproche aux Dieux de n’apporter que destruction et mort partout où ils sont. En s’en rendant compte, Odinson se sent indigne et ne peut/veut plus porter Mjolnir. La prise de conscience est ici rude et violente pour celui qui a toujours pu compter sur ses pouvoirs. Contrairement à ce que l’on pouvait croire en lisant Original Sin, ce n’est pas une malédiction qu’a infligé Nick Fury au Dieu du Tonnerre. Par une seule phrase, c’est à la prise de conscience face à une violence systémique que Odinson se retrouve confronté et à laquelle il ne s’était jamais préparé.

Le Dieu est donc présenté comme une figure à craindre, peu digne de confiance et ce n’est pas le portrait que dresse Jason Aaron de Asgard et du sexisme qui y règne qui pourra nous faire penser le contraire. Car si on ne s’en rend pas forcément compte immédiatement, Jason Aaron propose aussi une écriture féministe lorsqu’il place Jane Foster dans le rôle de Thor. Que ce soit à travers elle ou Roz Salomon et Freya, c’est une réécriture des carcans des personnages d’action que l’auteur propose. Jane va affronter le patriarcat et la violence prend donc ici un sens symbolique, plus mesquin. Odin et les autres Dieux ne supportent pas qu’une femme puisse être leur égale. Et pourtant, au cours de presque quarante numéros, il va l’imposer comme Thor. Jane Foster va se révéler un personnage d’une force inédite, luttant contre une autre forme de violence : celle que le cancer vous fait tomber dessus. Et pour quiconque a pu connaître le cancer dans sa vie, l’auteur brosse un portrait exemplaire de la lutte contre cette maladie et du désespoir dans lequel elle peut entraîner le malade et son entourage. Il le fait rarement mais l’auteur raconte ici un récit positif et optimiste où c’est la force et le courage de l’être humain qui est célébré.

Mais pour que ce passage à Jane Foster se fasse, il a fallu que Odinson perde la foi et cela s’est fait via le récit Original Sin. Malgré un pitch développé par Ed Brubaker, Jason Aaron parvient à lier cette mini-série à ces thèmes forts, notamment en présentant les héros Marvel comme des êtres faillibles qui bâtissent leur vie sur des mensonges qui peuvent provoquer à leur tour de la violence.

 

 

Mais là où le propos sur la violence se renouvelle chez l’auteur, c’est dans son run sur Doctor Strange. Parce qu’il va au-delà de la vengeance, passé le premier arc. On pouvait penser que l’auteur ferait quelque chose de très classique et on se trompait lourdement. Très rapidement, Jason Aaron pose le postulat de la magie agissant comme une arme à double tranchant. Si elle est puissante et utile aux sorciers, elle est aussi une arme qui détruit son utilisateur et détruit finalement tout. Un peu comme il l’avait fait dans son premier arc de Thor, l’auteur pose un élément mystique en quelque chose de dangereux. Et le vilain que représente l’Empirikull est une victime de cette magie et des manipulations qu’elle occasionne qui cherche à se venger de la magie. L’opposition entre une arme cartésienne (la science) et une arme mystique (la magie) permet aussi à l’auteur que plus que l’outil, c’est toujours l’utilisateur qui définit l’utilisation. La violence est omniprésente dans l’œuvre de l’auteur, les armes y sont légion et tout le monde les utilise. L’auteur ne me semble pas être un pacifiste mais il parvient à interroger la fascination pour la violence que l’humanité a.

L’auteur pose la question de la manière dont la violence peut se transmettre à travers un outil qui apparait avant tout comme une source de protection. Il parvient ainsi à donner une nouvelle dimension à son propos sur la violence. Les super-héros sont des êtres qui répondent à la violence pour défendre des vies, même si cette violence peut parfois occasionner des dégâts considérables dont ils mesurent mal l’impact. L’apport de Jason Aaron sur le personnage de Stephen Strange est considérable, notamment par cette règle du coût. A chaque fois qu’un sort est utilisé, il y a un coût pour le sorcier. Mais à force de sauver le monde de toutes sortes de menaces, le coût est devenu tellement important que le Sorcier Suprême a dû trouver d’autres éléments pour le soutenir. La violence que subit Strange se répercute donc sur d’autres individus et entités. Cette violence rebondit donc et se répercute dans un système pervers où personne ne peut sortir indemne.

Au fond, le propos de Jason Aaron sur la violence est plutôt cohérent. Même s’il est présenté comme un gentil, le super-héros est un individu qui utilise la violence pour arriver à ses fins. Même si le but est louable, la violence reste prédominante dans leurs actions. Le monde est violent, le système est violent et forcément, les super-héros le sont aussi. Jason Aaron ne cherche pas à critiquer les super-héros, on sent clairement son amour pour eux mais il tend plutôt, au sein de son œuvre, à interroger sur la nécessité d’une telle violence et la proportion qu’elle devrait engendrer.

Pour revenir sur son travail sur le personnage de Jane Foster, l’auteur dépasse son propos sur la vengeance. Les violences que font subir le patriarcat ne se transforme pas en violence inouïe des personnages féminins. Elles sont plus mesurées mais toutes aussi combattantes. Au milieu de ça, Malekith apparaît comme une violence sourde et chaotique qui ne cherche qu’à anéantir la vie. Le nihilisme qui semblait se dégager par à-coups chez Jason Aaron s’incarne dans ce personnage. L’elfe noir est chaotique et incontrôlable. Face à lui, c’est un Loki tout aussi chaotique qui cherche à réparer les dégâts semés. Loki est le produit d’une haine envers son espèce qu’il tente à chaque fois de dépasser. A travers ses actions, l’auteur me semble vouloir montrer qu’il existe peut-être une échappatoire à la violence systémique. Le Dieu de la tromperie devient un personnage central au cœur de l’œuvre de l’auteur.

Alors, évidemment, j’occulte certains héros sur lesquels il a travaillé comme le Punisher et Ghost Rider qui sont au cœur de sa thématique sur la vengeance. Le premier étant un héros parfait pour lui qu’il déconstruit en reprenant quelque peu le récit qui l’a fait connaître : « De l’autre côté ». Mais, à mon sens, s’il y a bien un héros qui représente la quintessence du style Jason Aaron, c’est Wolverine !

 

Partie 1

Partie 3

 

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Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.