Posté 27 mars 2020 par dans la catégorie Dossiers
 
 

Marjorie Liu dans Question de Style S03E03 – Partie 2

Précédemment, dans ce Question de Style, nous avons vu le premier thème de Marjorie Liu, à savoir le sacrifice. Nous nous sommes penchés sur la manière dont il s’exprimait différemment entre Marvel et le travail en creator-owned de l’autrice.
Voyons maintenant les deux autres thèmes : le lien et le contrôle.

Emphase sur l’amitié et les liens entre les gens.

L’un des autres aspects importants des récits de Marjorie Liu, ce sont les liens entre les gens qui s’expriment de différentes façons.

La première la rapproche de Kelly Thompson. Ainsi, Marjorie Liu met l’accent sur la fraternité entre les femmes : la sororité.

On retrouve donc souvent dans ses récits, des femmes au centre de l’histoire. Comme pour le thème précédent, le point de départ est identique avec la série X-23 puisque Jubilée va avoir un grand rôle. En effet, elle va agir comme une véritable aide psychologique pour Laura. Bien plus que son « père », elle va lui montrer qu’elle peut être meilleure qu’elle ne le pense. Mais Jubilée traverse une phase sombre, elle remonte la pente et voir la situation de Laura l’aide également. Ensemble, elles se soutiennent mutuellement, s’entraident et parviennent à grandir.

L’amitié est aussi au centre des relations écrites par Marjorie Liu. Les relations d’amitié sont fortes chez les personnages même si elles mettent parfois du temps à se développer. Gambit devient un maître et un mentor pour X-23. Wolverine et Tony aident Natasha dans les cinq épisodes scénarisées par l’autrice pour la série Black Widow. Les relations d’entraide, entre les différents sexes, sont très importantes dans les récits qu’elle scénarise. C’est grâce à l’entraide que les personnages s’en sortiront. Aucun n’y arrivera en solo et devra toujours s’appuyer sur d’autres, à un moment ou à un autre avant de pouvoir tracer sa route, seul(e), fort(e) des expériences.

C’est le cas évidemment pour Laura mais comme je n’arrête pas de parler d’elle, on va changer de personnage. Black Widow va être dans ce cas de figure. Elle qui a toujours l’habitude de travailler en solitaire va devoir s’appuyer sur ses amis afin de comprendre la machination qui cherche à lui nuire.

Le troisième aspect qu’elle développe au niveau du relationnel, c’est l’amour. Ici, ce qui l’exprime le mieux, c’est très certainement Astonishing X-Men avec la relation entre Northstar et Kyle. Premier mariage homosexuel de Marvel qui avait beaucoup communiqué autour, il cristallise à quel point Marjorie Liu met un point d’orgue à écrire des relations amoureuses. Lorsqu’elle écrit Natasha Romanoff, elle met en avant sa relation amoureuse avec Bucky Barnes, le Soldat de l’Hiver. Mais c’est surtout une histoire courte écrite pour l’anthologie The Storyteller (inédite en France) qui le met superbement en avant. Dans ce récit, elle revient sur le Chat Potté et comment l’amour l’a transformé.

Évolution et synthèse du lien.

Han Solo est certainement le meilleur comics Star Wars sorti actuellement. Déjà, parce que les dialogues sont assez dingues et replongent aisément dans les films. Mais surtout, parce que l’histoire montre un Han bien moins frimeur et bien moins confiant qu’habituellement. Surtout, Marjorie Liu injecte beaucoup de sensibilité. On sent tout au long des pages son amour pour Leïa qui se construit. Un peu comme James Dean, Han était un rebelle sans objectif. Mais les sentiments développés pour la princesse Organa le transforme et le change.

Cette transfiguration par les sentiments est en fait déjà présente dans Monstress. Mais dans Monstress, la question des genres est quelque peu transformée. En effet, dans cet univers, les divinités sont masculines et féminines, certains personnages font fi des identités sexuelles ordinaires. Ainsi, Marjorie Liu et Sana Takeda, au sein de leur série, interrogent notre rapport au genre à travers la construction de leur univers. L’indépendant va donc plus loin, même si on pourrait imaginer cela se produire aussi dans le mainstream.

Mais il faut aussi noter que dans sa série, Marjorie Liu utilise les trois types de relations qu’elle a mis en avant auparavant chez Marvel.

Maika s’est liée d’amitié puis est tombée amoureuse d’une jeune femme qu’elle a perdu de vue. Elle était son pilier, son phare dans une vie troublée que l’on découvre sporadiquement par le biais de flashbacks. Par la suite, elle s’est refermée. Quand le récit commence, elle est mutique, froide et suicidaire. Mais un jeune garçon prisonnier comme elle va l’aider à s’en sortir. Ainsi, elle va devoir apprendre à faire confiance aux autres et à nouer des relations d’amitié. Mais le récit prend le temps de reconstruire ses liens et ses relations. On voit peu à peu Maïka reprendre confiance en elle, être à l’aise. C’est d’ailleurs une fois ces relations d’amitié solidifiées que l’autrice challenge Maïka avec des personnages troubles, notamment dans le tome 4 mais pas de spoilers ici.

Evidemment, cette prise de contrôle et les challenge qui lui sont soumis vont de pair avec sa reprise de contrôle. A la fois sur son propre corps et son état psychique, Maïka va devoir s’émanciper du rôle que l’on a cherché à lui imposer et aux sentiments qui la dévore. A mesure qu’elle se lie, qu’elle prend confiance dans les autres, elle se relève et devient plus forte, parvenant à s’émanciper.

Echapper au contrôle

Car l’émancipation est le troisième grand thème des histoires de Marjorie Liu. Chacune et chacun des personnages cherchent à échapper à un destin qui semble écrit, programmé. Maïka a été créée par sa mère pour devenir un être surpuissant et toute l’intrigue de Monstress traite de comment y échapper.

Bien entendu, qu’un personnage comme Laura Kinney lui aille parfaitement et que la scénariste parvienne si parfaitement à se l’approprier n’est pas étonnant. Elle aussi cherche à reprendre le contrôle dans sa vie. Ses relations, les liens qu’elle tisse vont l’aider à échapper à ses pulsions et à reprendre le contrôle.

Mais le contrôle s’exprime aussi différemment et les ponts entre Laura et Maïka sont légion. Toutes deux ont été créées pour devenir des armes surpuissantes. Toutes deux voient leurs créateurs chercher à reprendre le contrôle sur elle. Emancipation et contrôle sont donc nécessairement liés chez l’autrice. Laura et Maïka suivent donc des trajectoires similaires. Elles souffrent, se perçoivent comme des monstres et vont apprendre à évoluer, à dépasser cet état. Sans effacer qui elles sont, elles vont, au contraire, s’assumer et imposer leur propre façon de vivre, s’affranchissant des carcans établis par la société et les autres. Métaphore féministe surpuissante, Marjorie Liu offre une vision forte que l’on perçoit aisément.

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Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.