Posté 4 octobre 2019 par dans la catégorie Dossiers
 
 

Kelly Thompson dans Question de Style S03E01 – Partie 2

 

La partie 1 est par ici !

 

L’emphase sur la sororité.

En effet, s’il y a bien un point sur lequel l’autrice aime mettre l’emphase, c’est l’amitié et la solidarité entre les femmes, que l’on nomme la sororité.

Ne commencez pas à partir les garçons, il y a des hommes dans ses récits et ils sont aussi amis avec les héroïnes mais cela est rarement au degré de solidarité, respect, etc. qu’il peut y avoir entre les personnages féminins. L’union fait la force, donc. Cela traduit finalement des choses simples mais que les hommes ont souvent du mal à comprendre : les femmes se sentent mieux lorsqu’elles sont ensemble, un peu comme les lecteurs de comics qui peuvent mieux parler de leur passion lorsqu’ils sont ensemble.

Ce n’est donc pas que Kelly Thompson exclut les hommes de la majeure partie de ses récits, simplement, lorsqu’ils sont présents et s’ils aident l’héroïne, ce ne sera jamais pareil. Un exemple parmi d’autres mais les deux Hawkeye que sont Kate et Clint coopèrent dans le dernier arc de la série éponyme. Leur dynamique est semblable à celle instaurée par Matt Fraction et se traduit par des punchlines à répétitions. Mais lorsque Kate collabore avec America Chavez dans West Coast Avengers, la dynamique est différente. Il n’y a pas de rivalité entre elles, simplement, une grande amitié et une solidarité de chaque instant qui se montrent par des gestes, des phrases, etc.

Il en va de même dans Nancy Drew, il y a des personnages masculins mais ce sont surtout les relations d’amitié indéfectible entre les filles qui attirent l’autrice. Le personnage servant d’intérêt romantique à l’héroïne va l’aider et l’assister mais il reste plus en retrait et son rôle dans l’histoire n’est clairement pas le même.

 

 

A-Force, dont elle cosigne les épisodes met d’ailleurs l’emphase absolue sur la sororité. Le comics propose de suivre une équipe de Avengers dont les membres sont uniquement des femmes. La transition entre le premier arc (où elle s’occupe des dialogues, uniquement) et le deuxième (qu’elle gère toute seule) est assez amusante puisqu’on y trouve tout ce que j’apprécie chez elle. Les dialogues qui fusent et cette sororité qui imprègne chaque page. D’ailleurs, la série se retrouvera impliquée dans Civil War II et l’autrice n’a pas eu l’air d’apprécier le traitement réservé à Carol Danvers (comme tous les fans, non ?). Du coup, le personnage se montre beaucoup plus à l’écoute des avis des autres et surtout, elle coopère avec son équipe, malgré les désaccords de fond qu’elles ont. Ce qui forcément provoque une forme d’incohérence sur l’event mais qui est bien plus raccord avec le caractère de l’héroïne.

Là où cela devient intéressant et où Kelly Thompson peut se renouveler, c’est dans Rogue & Gambit. Si l’œuvre ressemble à un travail de commande parce qu’il est impersonnel sur certains pans de la narration (les effets miroirs en début et fin de chapitre, par exemple), il contient néanmoins quelques idées intéressantes. Car c’est bien moins Gambit ou Rogue qui intéresse l’autrice que leur rapport raconte. En faisant définitivement de Rogue et Gambit un couple, la scénariste continue de s’interroger sur les choix que chacune et chacun font pour trouver sa place dans le monde ainsi que trouver son point d’équilibre. C’est intéressant et stimulant, surtout qu’elle parvient encore à injecter l’importance de la sororité à de multiples reprises. Dans le second arc de Mr & Mrs X (encore inédit en France), c’est grâce à l’aide d’une femme que Gambit va pouvoir se sortir du piège et libérer Rogue. Ce deuxième arc permettant d’ailleurs à Kelly Thompson de moquer les stéréotypes de genre attribués aux femmes dans la fiction grâce à un procédé méta intelligent et intéressant.

 

 

L’humour pince sans-rire

Kelly Thompson est aussi une autrice reconnaissable à son humour. Ses héroïnes sont très souvent gauches, maladroites et fondent aussi rapidement devant un beau mec. C’est un moyen assez malin de contrebalancer certains éléments crus que l’on peut trouver dans ses histoires.

De la même manière qu’un Brian M. Bendis à son meilleur niveau, chez Kelly Thompson, les dialogues fusent à la vitesse de l’éclair (pas autant que chez Nick Spencer, tout de même) et il y a beaucoup d’humour dedans. Mais c’est un humour très froid et piquant, bourré de sarcasmes qui pointe le bout de son nez. Par cet humour, elle parvient à renforcer le sentiment de crédibilité dans les relations entre les personnages et puisque ces derniers sont au cœur des intrigues, autant parvenir à insuffler de la vie dans leurs aventures. West Coast Avengers ou Hawkeye en sont des exemples assez évidents mais sa série Jessica Jones en est rempli aussi, notamment dans la relation entre Luke et Jess qui bénéficie d’un sentiment de crédibilité assez rare.

 

 

Mais cet humour n’agit pas que dans les dialogues, il est souvent au second plan des cases. Un numéro de Captain Marvel montre un personnage se battre contre un crocodile en arrière-plan alors que les personnages principaux se prennent la tête. La situation est improbable et permet de dédramatiser la situation en forçant sur l’humour. L’exagération est donc une part importante de son travail humoristique. Parfois, ce sont les personnages en eux-mêmes qui sont loufoques. Dans West Coast Avengers, il y a par exemple un bébé requin de terre (trop mignon), élément totalement loufoque que l’autrice aime réutiliser régulièrement au cours de la série et même au-delà, le mettant là encore dans des situations totalement barrées.

La scénariste met donc en avant un ton léger, qui permet souvent de divertir le lecteur de manière efficace, tout en tenant de l’impliquer émotionnellement dans ses histoires. Mais cet humour sert aussi souvent de révélateur pour les personnages en fonction des situations (ce qui est la base de l’humour). Comme dans pas mal de comédies américaines, le ton adopté permet de briser un moment embarrassant et le ton loufoque de certains passages cachent parfois quelque chose de plus profond.

Dans Hawkeye, un dragon surgit et donne lieu à des situations souvent barrées mais il dissimule une jeune femme en détresse émotionnelle. Les différentes punchlines que s’envoie à la tête Clint et Kate dissimule surtout leur attachement l’un envers l’autre en même temps que le respect immense qu’il se voue. Dans Nancy Drew, l’héroïne se cache souvent derrière des blagues afin de masquer sa propre insécurité et ses propres doutes.

Bref, chez Kelly Thompson, l’humour est omniprésent. Dans chaque numéro, il y a de quoi rire un bon coup avec une maîtrise de la comédie sous différentes formes qui, personnellement me ravit à chaque fois. Cela participe à la patte de la scénariste, permettant d’identifier rapidement ce qu’elle a écrit.

 

Que dire de Kelly Thompson ? Finalement, beaucoup de choses (oui, j’ai encore pété le nombre de signes), c’est encore une jeune scénariste mais elle parvient désormais à pleinement s’affirmer après des débuts parfois maladroits ou malhabiles. Elle est parvenue à lisser son surplus de dialogues et à laisser plus de place aux dessins. Désormais, ses séries sont parmi les lectures que j’attends le plus chaque mois. Son ton féministe, son humour totalement débile (que l’on peut considérer comme nul mais le genre de nul qui me fait hurler de rire) et son habileté dans la gestion de l’évolution des intrigues me séduisent à chaque fois !

 

 

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Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.