Posté 8 février 2019 par dans la catégorie Dossiers
 
 

Jason Aaron dans Question de Style S02E04 – Partie 3

 

J

ason Aaron devenant le nouvel architecte de l’univers Marvel à l’occasion du Fresh Start. L’occasion était trop belle pour ne pas faire un Question de Style.

Voici la partie 3 sur 3 !

Wolverine, le point de jonction de Jason Aaron.

En effet, le mutant aux griffes est l’une des figures centrales de l’œuvre de Aaron chez Marvel. Hyper violent, le héros est lancé dans une quête de rédemption impossible, ce qui le rend parfait pour l’auteur qu’est Jason Aaron.

Le run qu’a signé l’auteur sur le personnage fait certainement partie des meilleurs travaux dans les comics ; que ce soit dans Wolverine ou Wolverine & les X-Men, l’auteur propose un travail complet sur le griffu, explorant son rapport à la vengeance, à la violence et sa quête de rédemption à travers ses jeunes élèves.

Car ce qui habite Wolverine, c’est la lutte constante contre sa nature sauvage et violente, un peu comme l’espèce humaine telle que la perçoit et la décrit Jason Aaron pendant toute son œuvre. Les débuts de l’auteur sur le mutant se font d’ailleurs dans un chapitre glaçant où l’on se demande qui est la bête la plus féroce entre l’humain et l’animal indomptable que représente Logan. Car c’est bien ce qui anime le scénariste au fur et à mesure de son œuvre : le rapport que l’individu entretient avec sa nature sauvage et donc avec la violence qu’il a en lui.

Dépassant une vision Rousseauiste de l’humanité qui considère que dès lors qu’une société s’établit, l’individu abandonne sa nature sauvage, Jason Aaron tend à expliquer que l’humain a juste enfoui son aspect sauvage pour le faire ressortir dans des environnements où cela semble accepté ou au moins, autorisé. Ce premier chapitre semble donc résumé tout ce qui fait le style de l’auteur, de manière plus synthétique que les soixante numéros de Scalped.

Mais ce n’est pas tout car dans la suite de son œuvre, il va examiner en détail Wolverine et son rapport à la violence. Il est un tueur, certes mais il tente toujours plus de transformer sa violence en quelque chose de positif. L’arc qui l’envoie en Enfer semble d’ailleurs être l’une des lectures les plus glaçantes que j’ai pu avoir. En effet, il voit Logan obligé de se confronter frontalement à toute la violence qu’il génère et à tout ce que son absence de contrôle dans certaines de ses vies a pu engendrer comme dégâts. Si vous ne deviez avoir qu’une seule lecture récente sur le personnage, ce serait celle-ci, elle dure de l’épisode 1 au 14 de la relance 2010 sur le personnage et est incluse dans le deuxième omnibus publié par Panini Comics. Elle met en avant un personnage perdu, qui tente de corriger ce qu’il a été tout en se prenant toujours le mur de ses vies passées.

Mais là où le propos de l’auteur devient véritablement intéressant, c’est lorsqu’il met en place Schism et ses conséquences dans la série Wolverine & the X-Men. La série pose une facette inédite de la personnalité de Logan, d’autant plus captivante que, chronologiquement, elle se pose justement après l’arc dont je parlais avant. Le mutant est en pleine reconstruction psychologique et l’ouverture de l’école Jean Grey apparait d’autant plus pertinente qu’elle se transforme en une reconstruction nécessaire et une tentative d’éloigner les enfants de la violence dont les X-Men sont victimes.

En effet, la lutte entre Cyclope et Wolverine prend racine dans la formation octroyée aux élèves de l’école qui, jusque-là, étaient formés à être des soldats de l’armée mutante. Peu à peu et cela est véritablement en lien avec ce que Jason Aaron a écrit dans la série principale consacrée au griffu, Logan remet en cause que des enfants soient transformés en des machines de guerre. C’est sur ce point que se cristallise une rancœur déjà existante entre lui et Scott Summers. En choisissant de fonder une autre école dans laquelle les enfants seront éduqués, formés à se protéger et pas à être pro-actifs comme c’est le cas chez Cylcope, Wolverine cherche à se racheter. Il pense pouvoir faire en sorte que les enfants échappent à la violence mais au fond, c’est illusoire. Le monde est violent et l’est encore plus face à ce qu’il ne connaît pas. La métaphore anti-raciste et anti-discriminations que forme les X-Men depuis leurs origines (coucou, le ComicsGate) se double d’une analyse continue de la violence que subissent et subiront toujours ces individus. Le monde est, par essence, violent et l’humain devient encore plus violent face à ce qu’il ne connaît pas. Lorsqu’en plus, le conflit s’immisce dans un groupe censé être soudée, la violence se démultiplie et semble pouvoir provenir de partout. Ce qui explique qu’il participe encore à la X-Force (mais ça, c’est Rick Remender qui s’en occupe). Le personnage devenant alors une sorte de bouclier, de rempart qui, grâce à son invincibilité, va tenter d’absorber la violence du monde pour protéger ceux qu’il aime.

Dès lors, Logan peut être considéré comme le produit d’une société qui craint la différence et qui pousse les individus dans leurs retranchements. Wolverine est également le produit de la violence, il l’utilise car il n’a, pendant longtemps, jamais connu d’autres solutions. Sa naissance s’est faite dans un environnement violent et son quotidien a longtemps été marqué par elle. Dans le fond, Jason Aaron utilise le mutant comme un réceptacle super-héroïque de bon nombre de ces interrogations sur la violence du monde et sa reproduction systémique. L’utilisation très récente qu’en fait l’auteur est encore une fois très intéressante lorsqu’on l’analyse sous le spectre de l’étude de la violence.

 

Vous l’aurez compris (sinon, vous allez devoir tout relire), Jason Aaron est un auteur fasciné par l’étude de la violence. Elle est le cœur de son œuvre et, à travers elle, il interroge l’humanité dans son ensemble sous des spectres toujours différents et en parvenant à montrer des violences plus absurdes les unes que les autres. L’auteur ne cherche pas à les condamner ou à les expliquer, tel un observateur de son époque, il se contente de les illustrer tout en se demandant si une voie plus pacifique serait possible. Les fins de chacune de ses séries semblent pourtant nous amener à penser le contraire, confirmant la prose quasi-défaitiste d’un auteur qui parvient pourtant à célébrer l’optimisme de certains de ses héros (Jane, par exemple).

 

Partie 1

Partie 2

 

Avez-vous apprécié cet article?
N’hésitez pas à le dire dans les commentaires. Ça nous fait toujours plaisir de vous lire.

Pour faire connaitre le site et nous soutenir, vous pouvez aussi partager nos publications sur les réseaux sociaux ou vous abonnez à notre newsletter.
Merci.


 
Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.