Posté 27 septembre 2019 par dans la catégorie Dossiers
 
 

Kelly Thompson dans Question de Style S03E01 – Partie 1

 

Bienvenue dans la saison 3 de Question de Style ! Cette année sera particulière car j’ai décidé de la thématiser. D’ailleurs, ce sera certainement le nouvel angle à adopter et cela me parait pour le mieux. Ainsi, le thème pour cette année sera : les autrices !

 

Afin de commencer, j’ai décidé de me pencher sur le style narratif de Kelly Thompson, l’une des autrices qui montent le plus en ce moment chez Marvel.

Mais petit retour sur sa carrière avant d’en arriver à l’analyse pure et dure. Kelly Thompson, avant d’être autrice était chroniqueuse sur le site ComicsBookResources.com où elle avait sa propre rubrique qui traitait des femmes dans les comics. Forcément, en commençant par-là, on peut déjà comprendre ce que son travail d’autrice comportera en termes de thématiques. Elle est une femme engagée dans la cause féminine, un peu à la manière de Gail Simone puisqu’elle dénonce la manière dont sont traitées les personnages féminins dans les comics, entre sexualisation visuelle outrancière et flemme scénaristique (le fameux La femme dans le frigo). Elle y parle notamment objectification des femmes, male gaze, etc. Mais ce n’est pas tout puisqu’elle parle aussi de sujets plus variés et diversifiés tels que du commentaire sur ses lectures.

Par la suite, elle va lancer un kickstarter qui fut un joli succès pour un premier roman et c’est juste après que sa carrière dans les comics démarre réellement puisqu’elle relance la série Jem et les Hologrammes en 2014 avec Sophie Campbell aux dessins. Jem, c’est avant tout un dessin-animé des années 80 très coloré et kitch. Elles vont le réimaginer de façon moderne en y injectant des thématiques actuelles. Pour sa part, elle parle de réactualisation et de mise en avant des thèmes qui existaient déjà. En 2015, elle co-écrit avec Kelly Sue DeConnick, la mini-série Captain Marvel and the Carol Corps qui sert à la fois de conclusion au run de cette dernière mais aussi de tie-in à Secret Wars. Cela lui permet de créer des liens avec DeConnick qui l’adoubera pour sa reprise de Captain Marvel, depuis janvier dernier. Elle va également écrire une mini-série sur la Power Rangers Rose avec Brenden Fletcher. A titre personnel, je pense que la consécration arrive pour elle avec sa reprise de la série Hawkeye. Se centrant sur Kate Bishop, elle pose une suite à la série majeure de Matt Fraction et David Aja. Pour ça, elle sera nommée aux Eisner Awards mais ne recevra pas de prix.

Elle va ensuite devenir exclusive chez Marvel et écrire de nombreuses séries dont la reprise de Jessica Jones, là encore, à la suite de l’adoubement direct de Brian M. Bendis le co-créateur du personnage (il l’a directement contacté pour prendre la suite), Belle preuve de reconnaissance pour cette fan de l’auteur et du personnage et début d’une très bonne série sur l’héroïne.

Mais qu’est-ce qui fait la singularité de son style ? Ceux qui lisent tous les Questions de Style savent déjà qu’elle partage de nombreuses similitudes avec Brian M. Bendis puisqu’elle fait partie de ces scénaristes qui font l’emphase sur les dialogues avec un sens du timing dans le placement des mots très précis. Pourtant, même si elle a ce point de départ, elle existe évidemment avec ses propres thèmes et a développé d’autres outils narratifs à elle.

 

Des femmes cherchant leur place.

En repensant au travail de Kelly Thompson, il y a une véritable progression dans son œuvre. Au centre, on retrouve toujours des femmes, à l’exception de Gambit qui partage l’affiche avec Rogue dans leur série, Mr & Mrs X. En thème central, c’est surtout la place des femmes dans une société dominée par les hommes qu’elle questionne. Ce qui passe aussi par une mise en scène du patriarcat.

Que l’on prenne Jem dans la série éponynme ou Carol Danvers dans la nouvelle série Captain Marvel, elle présente deux femmes qui doivent lutter contre leurs propres doutes mais aussi ceux de leur entourage ainsi que ceux d’un monde qui a déjà décidé de leur place.

En effet, au début de sa série, Jem est une introvertie qui a une superbe voix mais a trop peur de s’exposer devant un public. Grâce aux hologrammes du titre, elle va trouver un moyen d’exister en public sans s’exposer. De son côté, Carol doit encore et toujours prouver sa place en tant que femme parmi les hommes des Avengers. Elle doit montrer qu’elle est aussi forte que ses homologues masculins alors que peu semble penser que ce soit le cas, surtout après la Civil War II. Si tout le monde semble avoir facilement pardonner Tony Stark (quoique quand on lit le run de Jonathan Hickman sur les Avengers, on peut en douter), Carol semble bien plus en difficulté pour faire oublier son pétage de câble pendant cet événement. Pour preuve, Jason Aaron y fait régulièrement référence avec des moqueries faciles. Elle doit aussi parvenir à (se) prouver qu’elle peut être une meneuse, capable de prendre en compte l’avis des autres et ne pas simplement foncer. L’ensemble du premier arc va la replacer comme une véritable leader, capable de prendre des décisions difficiles.

 

 

S’il y a bien un outil narratif que l’autrice aime utiliser, c’est créé un parallèle qui montre une progression chez le personnage dès le premier numéro. Entre la première page et la dernière page du numéro, il y a souvent un écho. Soit celui-ci sera illustratif, créant un parallèle visuel immédiatement reconnaissable, soit il sera écrit. Si on pourrait craindre que cette évolution dès le premier numéro soit le meilleur moyen de se tirer une balle dans le pied, ce n’est absolument pas le cas. En effet, cette évolution, le personnage va devoir l’assumer et vivre avec.

En guise d’exemple, on peut citer Jem qui, au début du premier numéro de sa série est sur scène, réservée et muette alors qu’à la fin du numéro, elle est joviale et épanouie grâce à l’hologramme qu’elle a découvert. Il en va de même pour Kate Bishop, la seconde Hawkeye qui en s’installant à Los Angeles et en décidant d’ouvrir sa propre agence de détective privé se doit d’assumer. En même temps, cela va lui permettre de prouver au monde qu’elle est plus que la petite fille à papa que l’on croise dans ses premières apparitions et qu’elle est aussi plus que l’autre Hawkeye. Chacune devra vivre avec le choix qu’elle a fait et ne va donc cesser d’évoluer, réfléchissant ainsi sur le déterminisme social des femmes. C’est d’autant plus intéressant dans le monde des comics, très masculin et dominé par une hyper-sexualisation des personnages féminins.

D’ailleurs, l’autrice utilise un running-gag qui en dit néanmoins long sur les mentalités à la fois des individus mais aussi du public comics qui supporte souvent mal le changement, encore plus quand cela concerne un personnage féminin, il me semble. En effet, lorsque Kate se présente en tant qu’Hawkeye, les gens réagissent souvent avec étonnement, pensant que ce titre est attribué uniquement à Clint et qu’il est donc seul. Je pense que pour Kelly Thompson, c’est une manière de critiquer la société qui enferme les femmes dans des modèles stéréotypés et préétablis. Tandis que les hommes, alors même qu’ils sont morts et n’ont pas porter le titre pendant longtemps, voire l’ont transféré, auront toujours le rôle le plus sympathique. De plus, Kate a cette tendance à vouloir se comparer à Clint et à toujours prouver qu’elle est la meilleure alors qu’elle fait seulement les choses différemment, selon son propre code.

 

 

Finalement, l’autrice opère un traitement féministe au sein de ses récits. Si ses premiers travaux ne contiennent pas aussi fortement cet aspect, cela va s’accentuer par la suite avec une addition de thème sociaux liés aux différents problèmes que peut rencontrer une femme quotidiennement.

C’est surtout le harcèlement sous ses multiples formes qui y passe. Dans le premier arc de sa reprise de Jessica Jones, l’utilisation d’une héroïne mature comme la détective privée de Marvel lui permet d’aborder la thématique frontalement et brutalement. Elle y met en scène une relation abusive, toxique et violente. Son travail sur la série Nancy Drew (inédite en France) va traiter de féminicides et de la manière dont ils sont moins considérés que les crimes commis à l’encontre d’un homme. De manière plus générale, sa mini-série sur le personnage parle du traitement des femmes dans la campagne américaine. Là encore, c’est souvent la même rengaine qui est mise en avant. Les femmes sont cloisonnées dans des rôles que la société leur a prévus.

Le féminisme de l’autrice infuse l’ensemble de ses récits, surgit de manière claire dans des dialogues et se diffuse à nouveau dans le récit. Pourtant, il existe dans ses choix de personnages. Ses femmes sont indépendantes, volontaires, courageuses et de véritables égales aux hommes. Elles n’ont pas besoin d’eux, sont amies avec eux mais ne s’appuient pas sur eux, évitant de verser dans les standards narratifs sexistes que certains auteurs n’hésitent pas à mettre en œuvre.

 

La partie 2 est juste là !
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Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.