Terre-Neuvas

C’est la mer qui prend l’homme

Petite surprise d’un Service Presse par Glénat, que je remercie fortement. Terre-Neuvas est un titre de Chabouté, que Nico avait également pu découvrir récemment avec Plus loin qu’ailleurs. Ici, on embarque à bord d’une goélette en 1913 pour Terre-Neuve et ses bancs de morues. Mais surtout pour des mois difficiles sur bien des aspects.

Tiens bon la vague

Terre-Neuvas est avant tout un voyage, une odyssée. Celui de milliers de pêcheurs qui partent au printemps naissant pour ne revenir qu’en automne, avec l’espoir d’une cale pleine. Chabouté nous embarque à bord de la Marie-Jeanne, au milieu de sa petite trentaine d’hommes d’équipage. Si le récit adopte un regard un peu au dessus de cet équipage, il tend à suivre son capitaine d’un peu plus près. C’est un choix narratif que j’ai plutôt apprécié. Le capitaine doit avoir une vision élargie de ses hommes mais aussi de la mer et ses caprices. La réussite de la pêche, et de la paie qui en découlera, repose avant tout sur ses choix avant le difficile labeur des hommes à bord des doris. Aussi, il n’en oublie de braquer les projecteurs sur quelques uns des hommes d’équipage. Cela permet de nous plonger également dans la vie difficile à bord de la goélette mais aussi de ces doris où ils passeront la moitié de leur journée à poser ou relever les filets.

Always lost in the sea

Ainsi, Terre-Neuvas, titre qui repend le nom de ces pêcheurs, ne nous épargne pas de la vie cruelle à bord. De la forte agitation de la mer au manque de vent, de l’absence de poisson aux repas de bulots ou d’oiseaux. Sans oublier les chants et la boisson pour « garder le moral ». L’auteur ne nous épargne pas dans la rudesse de cette vie à part, isolée. D’ailleurs, dans le récit, très rares sont les moments de répits ou de joie. Le soulagement, c’est de croiser ces oiseaux, synonymes d’une arrivée proche des bancs de poissons, mais aussi d’un repas plus goûtu qu’une soupe. Mais cette vie rude et sans répit n’est pas sans affecter l’homme. De plus en plus écorché, fatigué, exténué, c’est son sombre côté qui vient à ressortir. La boisson ne calme pas tous les mots tout le temps. Et Chabouté nous plonge aussi dans ce que les hommes ici peuvent avoir de plus cruel. Les tensions montent, et l’auteur ajoute au dessus de ça le meurtre d’un membre d’équipage. Au dessus de la mort, la vie doit continuer, mais…

Comme autant de collines occultant l’horizon

Les planches de Chabouté sont riches. Son utilisation du noir & blanc joue parfaitement des contrastes pour donner du détail et de la vie à chaque case. Il joue avec le zoom dans son récit. Tantôt une prise de vue au loin, l’horizon de la mer, sa météo, ses vagues et cette embarcation qui la brave. Tantôt c’est au cœur des marins que nous nous trouvons, un zoom sur leur quotidien et leurs conditions. Peu physionomiste, j’ai eu parfois des difficultés à me retrouver dans les visages des personnages. Mais ceux-ci sont expressifs, et nous reflètent pleinement l’impact qu’à ce voyage au fil des jours sur ces Terre-Neuvas.

Je ne savais pas vraiment où le récit m’embarquerait. Et je n’ai pas eu le mal de mer, bien au contraire. Je me suis senti•e embarqué•e sur ce navire. J’ai traversé ce périple avec l’équipage, oscillant dans les perceptions et les sentiments. Une belle surprise que je recommande à tout le monde de se laisser embarquer.

Ils ont kiffé :

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