Posté 20 mai 2020 par dans la catégorie Interviews
 
 

Urban Link – Interview de Sarah Chantepie, éditrice.

Urban Link, label Young Adult de Urban Comics a sorti ses premiers titres vendredi dernier.

A cette occasion, nous avons décidé d’interviewer Sarah Chantepie, son éditrice. Nous la remercions pour le temps qu’elle nous a consacré.

QUESTIONS GÉNÉRALES

LesComics.fr : Bonjour. Tout d’abord, pourriez-vous présenter le label ?

Nous avons pensé ce nouveau label comme une passerelle entre notre collection Urban Kids (à destination des plus jeunes et/ou des fans de certaines séries animées des années 1990) et les titres Urban Comics au sens large.

Nous avons conscience que notre catalogue est conséquent et qu’il peut être intimidant pour celles et ceux qui aimeraient se lancer sans avoir jamais lu le moindre comics. Notre objectif est de proposer des récits complets, ou de courtes séries (diptyque/trilogie), qui puissent être de vraies portes d’entrée, qui offrent un parti pris graphique audacieux et abordent des sujets en adéquation avec cette nouvelle génération de lecteurs et de lectrices sensibles aux questions de société (écologie, féminisme, lutte contre l’homophobie, etc.).

En librairie, on entend parfois des remarques du genre “Repose cette BD, on va acheter un vrai livre”. Le genre est encore dénigré par une certaine population. Le label Urban Link veut-il essayer de casser cette image ?

Avec le label Urban Link, nous espérons nous adresser à des lecteurs et des lectrices qui ont déjà l’autonomie de s’acheter ce qu’ils souhaitent, sans avoir à obtenir une validation de leurs parents. Contrairement aux titres Urban Kids, qui sont en grande majorité achetés par des adultes pour leur jeune entourage.

Pour ce qui est du préjugé qui consiste à penser que la bande dessinée n’est pas une « lecture suffisamment respectable », il faudra certainement plus qu’Urban Link pour faire évoluer les mentalités ! Cela dit, nous sélectionnons les titres de ce label avec attention et tenons à ce qu’ils aient – en plus de leur rôle de divertissement – un vrai message à faire passer et/ou amorce des sujets autour desquels les lecteurs/lectrices peuvent se retrouver.

Le secteur jeunesse semble assez difficile, les enfants ont souvent des avis tranchés, soit ils accrochent dès la première page et signent pour 10 tomes, soit ils reposent immédiatement. La concurrence est aussi très rude. Comment on est perçu quand on arrive avec une nouvelle offre comics ?

Je pense que les jeunes comme les moins jeunes se font une opinion assez rapide de ce qu’ils ont envie de continuer à lire, ou non. Mais c’est vrai qu’on constate que les enfants se lassent peut-être plus vite. Les modes s’enchaînent en fonction des séries TV ou des jeux vidéo du moment, donc il faut arriver à anticiper les tendances pour être dans le bon timing. C’est un exercice difficile. C’est pour cette raison que l’on essaie au maximum de proposer des récits complets. Cela permet de vivre l’expérience de lecture jusqu’au bout et, d’un point de vue narratif, cela permet aussi d’avoir un contenu plus structuré/dynamique.

LA POLITIQUE ÉDITORIALE

Pourquoi avoir pris la décision de publier certains comics sortis en mensuel dans cette collection ? Je pense notamment à Black Canary ou à la future sortie de Supergirl : Being Super ou bien à Middlewest.

Nous pensons que ces titres remplissent tous les critères pour plaire au lectorat auquel nous souhaitons nous adresser. Ces nouveaux lecteurs n’y auraient probablement jamais eu accès s’ils avaient été publiés sous Urban Comics car ce ne sont peut-être pas des habitués des rayons comics de leur librairie. Nous travaillons actuellement main dans la main avec les libraires pour alimenter ce nouveau rayon « Young Adult » qui verraient se côtoyer différents contenus (romans, mangas, romans graphiques…), dont les albums Urban Link !

On le voit avec la sortie de Middlewest, notamment, le catalogue ne se limitera pas aux romans graphiques de super-héros. Comment résumeriez-vous le catalogue Urban Link ?

Absolument. Ce sera un catalogue riche et éclectique. Il y aura pas mal de titres DC Comics, mais pas que. Nous souhaitons que chaque lecteur/lectrice puisse y trouver le récit qui lui convient. Super-héros, horreur, fantastique, post-apo, fantasy… tous les genres seront représentés !

Comment opérez-vous la distinction entre les titres qui vont chez Urban Link et ceux qui restent chez Urban Comics, dans le label Kids ?

Les personnages des titres Urban Link sont tous à une période charnière de leur vie, un âge où chaque événement/épreuve de vie aura un impact sur la construction de leur personnalité. Ce sont des personnages qui s’interrogent beaucoup, sur leur identité, sur l’Autre, mais aussi sur le monde dans lequel ils évoluent (le plus souvent semblable au nôtre). Ils vivent l’action, mais ils la questionnent aussi.

Les personnages des titres Urban Kids ne sont pas du tout dans ce genre de réflexion/d’introspection. Ils sont dans l’action pure et dure, parfois surréaliste. D’autre part, les titres Urban Link traitent de sujets parfois sombres et difficiles : la mort/le deuil, la maladie, la maltraitance, l’abandon, l’homophobie, le racisme, etc. Ce sont des thématiques qui ne peuvent pas être traitées de la même façon dans une collection pour enfants.

Un catalogue riche et éclectique

Pourquoi avoir pris la décision de séparer Urban Link de Urban Comics et ne pas en avoir fait une collection comme Urban Kids ? Volonté d’une plus grande visibilité ?

Entre autres, oui. Toujours dans cette idée d’atteindre une nouvelle génération de lecteurs/lectrices, notamment celle qui lit énormément de romans Young Adult, nous devions faire en sorte que ces titres ne soient pas rangés au rayons comics, mais à mi-chemin entre romans et bande-dessinées. C’est un vrai challenge, car cela implique de réfléchir avec les professionnels du livre aux possibilités qui s’offrent dans les espaces parfois exiguës des librairies de quartier, mais c’est essentiel pour donner une belle visibilité à cette collection.

La politique tarifaire de Urban Link semble être de privilégier un prix doux. Est-ce pour parvenir à capter le public adolescent plus facilement ?

Tout à fait. Nous savons que nos lecteurs n’ont pas un budget extensible à l’infini, et encore moins les plus jeunes. Comme nous l’avons fait pour Urban Kids, et à chaque fois que c’est possible, nous choisissons d’adapter nos prix au lectorat.

Le format souple permet-il également de capter un public pas habitué aux comics et permettre aux libraires de laisser ces BD au rayon jeunesse ?

Lorsque nous avons pensé cette collection, nous avons essayé d’intégrer les contraintes liées aux modes de vie des lecteurs/lectrices que nous souhaitions atteindre. Nous savons que cette génération est très mobile, il fallait donc proposer un objet qui puisse facilement tenir dans un sac, car il n’y a rien de pire que d’être absorbé dans sa lecture et de devoir l’abandonner car elle est, par exemple, trop encombrante pour les transports en commun. Avec ce format qui se rapproche de celui des romans grand format, nous espérons éviter au maximum cette frustration !

Allez-vous tenter de publier des récits originaux ? C’est-à-dire qui seraient créés et soutenus en premier lieu chez Urban Link.

Nous ne nous fermons aucune porte ! Si de chouettes projets s’offrent à nous, pourquoi pas !

Catwoman under the moon

LE COMICS JEUNESSE ET YOUNG ADULT

Chez LesComics.fr, on est très friands des comics jeunesse et Young Adult. Pensez-vous que le comics jeunesse et Young Adult soient un nouvel eldorado créatif ?

Je pense que cette génération est probablement l’une de celles qui lit le plus. Elle est très exigeante, mais elle est aussi très ouverte, ce qui offre tout un tas de possibilités créatives. Tous les genres peuvent être visités, toutes les thématiques (aussi difficiles soient-elles), ce qui rend le tout hyper stimulant, et il y a encore beaucoup à imaginer.

Y a-t-il un titre que vous recommanderiez absolument parmi ceux de la sortie ?

Mon coup de cœur personnel va au Harley Quinn – Breaking Glass. C’est un personnage que j’aime beaucoup, et qui est bien plus complexe que ce que certaines interprétations peuvent laisser penser. C’est une jeune femme intelligente, courageuse et indépendante. Elle a des convictions et s’y tient, peu importe que ce soit bien ou mal vu. C’est une personne entière, dans ce qu’elle vit et ce qu’elle ressent (colère, injustice, amour, amitié…). J’aime aussi beaucoup la relation qu’elle entretient avec Mama. On sent toute la bienveillance, le respect et la confiance qui les unit. Et puis, j’adore l’atmosphère graphique de Steve Pugh. Chaque page est une vraie claque.

Quel est le titre que vous rêveriez d’éditer chez Urban Link ?

Très honnêtement, je crois que tout éditeur rêve de déceler ce qui pourrait être le prochain Harry Potter, mais si Urban Link peut au moins apporter un peu de divertissements et de « soutien » des lecteurs/lectrices qui se retrouveraient dans les thématiques de ces albums, alors ce sera une réussite. L’association de romanciers/romancières avec des artistes de bande-dessinée est un mariage qui fonctionne très bien et qui a beaucoup à apporter à cette collection car les regards de ces deux horizons s’enrichissent.

Merci beaucoup pour vos réponses.

Avez-vous apprécié cet article?
N’hésitez pas à le dire dans les commentaires. Ça nous fait toujours plaisir de vous lire.

Pour faire connaitre le site et nous soutenir, vous pouvez aussi partager nos publications sur les réseaux sociaux ou vous abonnez à notre newsletter.
Merci.


Les mots clé de cet article
Interview Urban Comics Urban Link

 
Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.