Posté 17 janvier 2018 par dans la catégorie Dossiers
 
 

Scott Snyder dans Question De Style Episode 5 par Comics Grincheux

 

Scott Snyder, un auteur bercé par le folklore.

S

cott Snyder, encore un autre Snyder qui bosse sur les personnages DC. Encore un artiste qui suscite des débats enflammés à chaque fois qu’on parle de lui. En effet, l’auteur a le don de polariser les attitudes et les avis autour de lui, certains lui vouant un culte sans limites tandis que d’autres le conspuent sans vergogne. Les autres s’en battent les noix et prennent chacune de ses œuvres à part et cherche à la juger de manière globale. Bon, il est vrai que l’auteur est légèrement énervant, surtout quand on lit ses interviews ou qu’on le suit sur Twitter puisqu’il a un certain ego, bien aidé par les critiques US qui le considèrent comme un génie et comme l’un des meilleurs talents de l’industrie.

Mais passons sur ces considérations assez peu intéressantes, l’auteur s’est très vite fait remarqué avec deux comics qui vont définir son style quasi-instantanément : American Vampire et Sombre Reflet, une aventure avec Batman et Jim Gordon au centre de l’intrigue. Ses deux œuvres mettent en avant ce que Scott Snyder aime : le folklore.

Mais avant de se concentrer sur son style, il convient de rappeler certaines choses importantes sur lui car il est avant tout un auteur de romans et aussi un professeur de littérature en université. Il était, l’année dernière, le directeur de l’atelier d’écriture des nouveaux talents de DC qui écrivent les numéros bouche-trous des séries Rebirth. Bref, tout ça pour dire que Scott Snyder est un lettré et que c’est quelque chose qui se ressent immédiatement quand on lit ses comics. Il aime jouer sur le sens des mots et il sait l’importance de la valeur des mots. C’est notamment quelque chose qui irrigue sa narration, surtout dans son run sur Batman mais aussi dans Wytches. Mais on ne va pas se concentrer sur cet aspect aujourd’hui. Peut-être un autre jour !

 

Chez Scott Snyder, le folklore est la base du travail. Le folklore, c’est, d’après Larousse, « l’ensemble des pratiques culturelles (croyances, rites, contes, légendes, fêtes, cultes, etc.) des sociétés traditionnelles ». Dès lors, dans l’ensemble de ses récits, il va aller piocher dans l’imaginaire collectif et utiliser cela comme base des histoires pour ensuite les déstructurer. American Vampire puise dans l’image qu’on a du vampire pour la reconstruire et la juxtaposer au récit du rêve américain classique. Son run sur Batman utilise le mythe de la société secrète qui dirige la ville de Gotham, le boogeyman pour son Joker ou encore le mythe du dionysium qui influe tout au long du tome 7. Metal, le dernier event éditorial en date chez DC Comics prend appui sur le folklore de l’univers DC pour créer une menace inédite. En matière de séries indépendantes, Wytches oppose le mythe des sorcières à une jeune fille en proie aux crises d’angoisse. Ce sont l’ensemble de ces éléments qui vont au final permettre à l’auteur de construire ses histoires, peu importe qu’ils soient ancrés dans notre réalité ou non, l’auteur se sert des croyances populaires pour infuser ces récits et s’en servir de structures.

Au final, ce que Scott Snyder aime, c’est construire des histoires où les mythes se retrouvent confrontés à une réalité bien tangible auquel le lecteur peut se rattacher. Ce qui n’est que la mise en œuvre d’un processus assez classique chez les auteurs de récits horrifiques. En effet, c’est un élément qui n’est pas négligeable et qui nourrit la construction de ses récits. L’auteur vient du milieu de l’horreur, il est l’un des protégés de Stephen King et c’est ce qui explique leur collaboration sur les premiers chapitres de American Vampire. Tous deux ont des similitudes aussi bien dans les personnages qu’ils écrivent que dans leur style de narration. Ce sont souvent des personnages qui vont se découvrir en même temps qu’ils s’opposent à des menaces qui les dépassent et qui les confrontent à leur peur. Les personnages sont souvent névrosés, perdu dans leur vie. Que ce soit Batman qui affronte le hibou, le prédateur naturel de la chauve-souris ou Bruce Wayne qui se retrouve à affronter la mort dans Zero Year. Mais on peut aussi aller piocher dans Wytches qui constitue à mon sens la quintessence du style de Scott Snyder ainsi que son meilleur travail à l’heure actuelle. L’histoire est hautement personnelle pour l’auteur puisqu’en même temps qu’une confrontation des personnages à leurs peurs, il s’y confronte assez directement comme il l’explique dans l’épilogue. Au final, le folklore ne sert, comme dans les récits d’horreurs de Stephen King, que de support à une émancipation des personnages. Mais c’est le propre de l’horreur au sens large que de se confronter aux peurs indicibles pour les affronter.

Le folklore au sens le plus large sert d’inducteur à toute une vague de thématiques diverses et variées, très orientées dans des récits horrifiques. Son Batman est en effet très souvent un récit d’horreur, ce que la présence au dessin de Greg Capullo ne fait que renforcer, lui qui s’est fait connaître à travers Spawn. La Cour des Hiboux fait dans l’hallucination, les grosses giclures de sang. Le Deuil de la famille et Mascarade puise à fond dans ce qui est propre au slasher avec un Joker omniscient et tout-puissant. L’An Zéro malgré son aspect réaliste de par la confrontation à un Sphinx revisité en terroriste moderne véhicule des références à de nombreuses œuvres du genre horrifique. Et je ne parle même pas du dernier arc avec son méchant délicieusement horrifique.

Mais il y a un dernier aspect non-négligeable à prendre en compte, c’est le lien constant que Scott Snyder opère entre le folklore et l’histoire. American Vampire est un récit sur la construction des Etats-Unis, reprenant des étapes importantes de son histoire comme la conquête de l’Ouest, la Grande Dépression, la Seconde Guerre mondiale, etc. Le mythe du vampire nourrit alors l’histoire et le pays devient un personnage à part entière du récit que les protagonistes influencent. Egalement, dans son run sur Batman, l’auteur fait de Gotham City un personnage à part entière et se sert de son histoire pour construire l’ensemble de ses cinquante-et-un numéros. La Cour des Hiboux est liée à elle, le personnage de Batman aussi, un autre ennemi de Batman l’est tout autant. Le folklore n’est jamais qu’un ensemble de croyances établies et diffusées dans l’Histoire de l’humanité, le lien qu’opère l’auteur est alors évident et logique. Sans spoiler, le dernier event DC Comics, Metal va aussi piocher allègrement dans l’histoire de cet univers pour en faire ressortir des mythes et des croyances oubliées et inédites. Cet aspect historique mériterait tout une autre série d’analyses plus poussées mais on ne s’y consacrera pas aujourd’hui. Peut-être une autre fois pour reparler de cet auteur qui, s’il n’est peut-être pas le génie qu’on veut nous faire croire reste quelqu’un bourré d’idées et passionnant à analyser.

 

Scott Snyder est donc un auteur qui s’inspire clairement de son maître à penser, Stephen King dans la construction de ces récits. Utilisant toujours des mythes issus du folklore, il s’en sert pour confronter ses héros et les faire grandir, évoluer en même temps qu’il s’interroge sur la façon dont notre société évolue. Cela ne marche pas à tous les coups, cela suscite souvent des controverses mais n’est-ce pas là, la marque des auteurs dont on se souvient que de susciter le débat ?


 
Comics Grinch râle beaucoup. Son origine vient de ses nombreuses grincheries envers BvS. Ayant gonflé sa petite amie avec ça, elle lui suggéra d'en parler avec d'autres. Ce fût chose faite. Vénère Grant Morrison, conchie Mark Millar.